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Il peupla tout de son engeance :
Tourne-broches par lui rendus communs en France
Y font un corps à part, gens fuyant les hasards,
Peuple antipode des Césars.

On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père :
Le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère,
Faute de cultiver la nature et ses dons,
Oh ! combien de Césars deviendront Laridons !


XXV

LES DEUX CHIENS ET L’ÂNE MORT

Les vertus devraient être sœurs,
Ainsi que les vices sont frères.
Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos cœurs,
Tous viennent à la file : il ne s’en manque guères :
J’entends de ceux qui, n’étant pas contraires,
Peuvent loger sous même toit.
À l’égard des vertus, rarement on les voit
Toutes en un sujet éminemment placées
Se tenir par la main sans être dispersées.
L’un est vaillant, mais prompt ; l’autre est prudent, mais froid.
Parmi les animaux, le chien se pique d’être
Soigneux et fidèle à son maître ;
Mais il est sot, il est gourmand ;
Témoin ces deux mâtins qui, dans l’éloignement,
Virent un âne mort qui flottait sur les ondes.
Le vent de plus en plus l’éloignait de nos chiens.
Ami, dit l’un, tes yeux sont meilleurs que les miens :
Porte un peu tes regards sur ces plaines profondes ;
J’y crois voir quelque chose. Est-ce un bœuf, un cheval ?
Eh ! qu’importe quel animal ?