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Comme tout dévot chat en use les matins.
Ce réseau me retient : ma vie est en tes mains ;
Viens dissoudre ces nœuds. Et quelle récompense
En aurai-je ? reprit le rat.
Je jure éternelle alliance
Avec toi, repartit le chat.
Dispose de ma griffe, et sois en assurance :
Envers et contre tous je te protégerai ;
Et la belette mangerai
Avec l’époux de la chouette :
Ils t’en veulent tous deux. Le rat dit : Idiot !
Moi ton libérateur ! je ne suis pas si sot.
Puis il s’en va vers sa retraite :
La belette était près du trou.
Le rat grimpe plus haut ; il y voit le hibou.
Dangers de toutes parts : le plus pressant l’emporte.
Ronge-maille retourne au chat, et fait en sorte
Qu’il détache un chaînon, puis un autre, et puis tant
Qu’il dégage enfin l’hypocrite.
L’homme paraît en cet instant ;
Les nouveaux alliés prennent tous deux la fuite.
À quelque temps de là, notre chat vit de loin
Son rat qui se tenait alerte et sur ses gardes :
Ah ! mon frère, dit-il, viens m’embrasser ; ton soin
Me fait injure ; tu regardes
Comme ennemi ton allié.
Penses-tu que j’aie oublié
Qu’après Dieu je te dois la vie ?
Et moi, reprit le rat, penses-tu que j’oublie
Ton naturel ? Aucun traité
Peut-il forcer un chat à la reconnaissance ?
S’assure-t-on sur l’alliance
Qu’a faite la nécessité ?