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Tircis à son but croyait être,
Quand la belle ajouta : Voilà tout justement
Ce que je sens pour Clidamant.
L’autre pensa mourir de dépit et de honte.

Il est force gens comme lui,
Qui prétendent n’agir que pour leur propre compte.
Et qui font le marché d’autrui.


XIV

LES OBSÈQUES DE LA LIONNE

La femme du lion mourut ;
Aussitôt chacun accourut
Pour s’acquitter envers le prince
De certains compliments de consolation,
Qui sont surcroît d’affliction.
Il fit avertir sa province
Que les obsèques se feraient
Un tel jour, en tel lieu ; ses prévôts y seraient
Pour régler la cérémonie,
Et pour placer la compagnie.
Jugez si chacun s’y trouva.
Le prince aux cris s’abandonna,
Et tout son antre en résonna :
Les lions n’ont point d’autre temple.
On entendit, à son exemple,
Rugir en leur patois messieurs les courtisans.

Je définis la cour un pays où les gens,
Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents,
Sont ce qu’il plaît au prince, ou, s’ils ne peuvent l’être,
Tâchent au moins de le paraître.
Peuple caméléon, peuple singe du maître ;