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Rien n’eut cours ni débit : le luxe et la folie
N’étaient plus tels qu’auparavant.
Enfin, ses facteurs le trompant,
Et lui-même ayant fait grand fracas, chère lie,
Mis beaucoup en plaisirs, en bâtiments beaucoup,
Il devint pauvre tout d’un coup.
Son ami, le voyant en mauvais équipage,
Lui dit : D’où vient cela ? — De la Fortune, hélas !
Consolez-vous, dit l’autre ; et, s’il ne lui plaît pas
Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage.

Je ne sais s’il crut ce conseil :
Mais je sais que chacun impute, en cas pareil,
Son bonheur à son industrie ;
Et si de quelque échec notre faute est suivie,
Nous disons injures au Sort :
Chose n’est ici plus commune.
Le bien, nous le faisons ; le mal, c’est la Fortune :
On a toujours raison, le Destin toujours tort.


XV

LES DEVINERESSES

C’est souvent du hasard que naît l’opinion ;
Et c’est l’opinion qui fait toujours la vogue.
Je pourrais fonder ce prologue
Sur gens de tous états : tout est prévention.
Cabale, entêtement ; point ou peu de justice.
C’est un torrent : qu’y faire ? il faut qu’il ait son cours :
Cela fut, et sera toujours.

Une femme, à Paris, faisait la pythonisse :
On l’allait consulter sur chaque événement,
Perdait-on un chiffon, avait-on un amant,