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Courait vite aux débats, et prévenait la Paix ;
Faisait d’une étincelle un feu long à s’éteindre.
La Renommée enfin commença de se plaindre
Que l’on ne lui trouvait jamais
De demeure fixe et certaine ;
Bien souvent l’on perdait, à la chercher, sa peine :
Il fallait donc qu’elle eût un séjour affecté,
Un séjour d’où l’on pût en toutes les familles
L’envoyer à jour arrêté.
Comme il n’était alors aucun couvent de filles,
On y trouva difficulté.
L’auberge enfin de l’hyménée
Lui fut pour maison assinée[1].


XXI

LA JEUNE VEUVE

La perte d’un époux ne va point sans soupirs :
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du Temps la tristesse s’envole :
Le Temps ramène les plaisirs.
Entre la veuve d’une année
Et la veuve d’une journée
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne ;
L’une fait fuir les gens, et l’autre a mille attraits :
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ;
C’est toujours même note et pareil entretien.
On dit qu’on est inconsolable :
On le dit mais il n’en est rien,
Comme on verra par cette fable,
Ou plutôt par la vérité.

  1. Pour assignée, licence poétique.