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LIVRE SIXIÈME


I

LE PÂTRE ET LE LION

Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être ;
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l’ennui :
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire ;
Et conter pour conter me semble peu d’affaire.
C’est par cette raison qu’égayant leur esprit
Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l’ornement et le trop d’étendue ;
On ne voit point chez eux de parole perdue.
Phèdre était si succinct qu’aucuns l’en ont blâmé ;
Ésope en moins de mots s’est encore exprimé.
Mais sur tous certain Grec[1] renchérit et se pique
D’une élégance laconique ;
Il renferme toujours son conte en quatre vers :
Rien ou mal, je le laisse à juger aux experts.
Voyons-le avec Ésope en un sujet semblable.
L’un amène un chasseur, l’autre un pâtre, en sa fable.

  1. Gabrias (Note de la Fontaine).