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Clopin clopant comme ils peuvent,
L’un contre l’autre jetés
Au moindre hoquet[1] qu’ils treuvent.
Le pot de terre en souffre ; il n’eut pas fait cent pas
Que par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu’il eût lieu de se plaindre.

Ne nous associons qu’avecque nos égaux ;
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d’un de ces pots.


III

LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR

Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie ;
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie,
Car de le rattraper il n’est pas trop certain.

Un carpeau qui n’était encore que fretin,
Fut pris par un pêcheur au bord d’une rivière.
Tout fait nombre, dit l’homme, en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière.
Le pauvre carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu’une demi-bouchée.
Laissez-moi carpe devenir :
Je serai par vous repêchée ;
Quelque gros partisan[2] m’achètera bien cher :
Au lieu qu’il vous en faut chercher

  1. Choc.
  2. Financier.