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Aux desirs d’un amant se rendre si facile,
Ny graces ny faveurs ne sçavoir ménager,
Ce n’est pas le moyen de pouvoir l’engager :
Trop d’espoir à l’abord en étouffe le zelle.
Ah ! que si j’eusse esté fille encore comme elle !
Mais ne nous plaignons point, et laissons tous ces vœux.
Ne pouvoir disposer d’un seul de ses cheveux,
D’un seul de ses desirs, d’un moment de sa vie,
N’est pas une fortune à donner de l’envie.
Les maris sont jaloux, ou bien sans amitié :
Tel qui ne nous voyoit (disoit-il) qu’à moitié,
Quand il est possesseur, cherche ailleurs sa fortune.
Une femme en deux jours leur devient importune ;
Il faut, sans murmure, souffrir leur peu de foy,
Et c’est là le plus dur de cette injuste loy.
Ce n’est qu’avec regret qu’en perdant ma franchise,
Pour la seconde fois on m’y verra soumise,
Et je crains que ma sœur n’en dise autant aussi.
La pourveoir d’un espoux est mon plus grand soucy :
Ce qui convient à l’une est à l’autre incommode,
Et si c’est mon talent que de vivre à la mode,
Dans un autre dessein je dois l’entretenir.



Scène 5

Phœdrie, Thaïs, Pythie, Dorus, veritable Eunuque, Dorie.

Pythie

Dorie est de retour, vos gens s’en vont venir ;
Les voicy. Mais quel homme accompagne Phœdrie ?
Est-ce pour se mocquer, ou pour nous faire envie ?
O l’agréable objet, et digne d’estre veu !