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Les severes appas dont vous estes pourveuë
Desesperent les cœurs qu’ils viennent d’enflammer,
Mais sous le nom d’hymen il est permis d’aymer.
Loing de vostre païs esclave et delaissée,
Où pourriez vous icy porter vostre pensée ?
Par-là je n’entens point mépriser vos appas,
Le merite en est grand ; mais l’heur n’y répond pas.
Tant que l’effort des ans en détruise l’empire,
Assez d’amans viendront vous conter leur martyre,
Assez d’amans aussi, d’un discours mensonger,
Vous offriront un cœur tousjours prest à changer.
Devant que vous soyez à leurs vœux exposée,
Prevenez le dépit de vous voir abusée ;
Faites un choix plus seur, il vous est important

Pamphile

Peut-estre dans ta foy n’es-tu pas plus constant.

Cherée

Pamphile, croyez-en ces soupirs et ces larmes.

Pamphile

Ah ! cesse d’employer le secours de leurs charmes,
Oste-moy ta presence, engage ailleurs ta foy ;
Veux-tu rendre mon cœur plus esclave que moy ?
Va, ne replique point, estouffe ton envie ;
Crain d’attacher tes jours aux malheurs de ma vie,
Va-t’en, laisse-moy seule et me plaindre et souffrir.

Cherée

Un sort plus favorable en vos mains vient s’offrir.

Pamphile

Ce n’est point l’interest qui me rendra facile ;
Et si je cede, helas ! acheve pour Pamphile.
Que sert de m’expliquer ? Tu lis dedans mon sein.

Cherée

Et que rencontrez-vous d’injuste en ce dessein ?