Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
392
Le Veau perdu.


Voici de quelle façon ces deux Contes étoient liés et formoient l’intrigue de cette petite Comédie [1].

Après deux ou trois Scenes nécessaires pour l’exposition du sujet, paroît Ricato ; ce Villageois, qui a cherché inutilement un Veau qu’il a perdu, monte sur un arbre pour découvrir de plus loin. Le Gentillatre arrive, et, se croyant seul avec sa Servante, lui conte des douceurs, veut l’embrasser et lul porter la main sur le sein ; à chaque mouvement, il s’écrie : Ah Ciel ! que d’appas ! que vois-je , que ne vois-je pas ? Ricato, impatienté d’entendre répéter la même chose, crie, du haut de son arbre : Notre bon Seigneur, qui voyez tant de choses, ne voyez-vous point mon Veau ? Je suis perdu (dit alors le Gentilhomme tout bas), ce Rustre ne va pas manquer de raconter à ma femme tout ce qui vient de se passer. Cours vite, ajoute-t-il à sa Servante, et va dire a Madame qu’elle vienne en diligence me trouver ici. Le Gentillatre demeure seul sur le Théatre. Dans le moment la Dame arrive. Le mari fait l’empressé auprès d’elle, et recommence le même ieu qu’avec sa Servante. Ricato rapporte à la Dame ce qu’il a vu du marl avec sa Servante, et la Dame répond toujours, c’étoit moi, jusqu’à ce que Ricato, perdant patience : Jarni (dit-il), vous me feriez enrager ; un mari n’est point si sot à l’entour de sa femme. Comment donc, insolent ! reprend la Dame, fort en colere : Vous manquez ainsi de respect à M. le Comte [2].

Dans une autre Scene, la Servante, songeant à un établissement solide, et voulant épouser le fils du Fermier, parce qu’il est jeune et riche, trouve le moyen de lui parler. Après quelques discours, elle fait en sorte qu’il lui touche dans la main. Oh ! Dame, dit-

  1. Cet argument nous a été donné par M. Grandval pere.
  2. Pour bien entendre cette plaisanterie, il faut se ressouvenir que c’étoit le Sieur Le Comte qui représentoit le Gentillatre.