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Tu me suivais partout, lorsque, las de combattre,
Antoine m’a crié : "Je me meurs, Cléopâtre !
Et vite à moi, je suis vilainement blessé ;
D’un grand coup de canon j’ai l’intestin percé ;
À séparer nos cœurs le sort têtu s’acharne."
J’ai mis, à ces grands cris, la tête à la lucarne :
Charmion, qu’ai-je vu ? J’ai vu ce conquérant,
Ce héros, invalide, affreux, pâle, et mourant,
Ranimer à mes yeux ses forces languissantes,
Sangloter, et vers moi tendre ses mains sanglantes.
Que te dirai-je enfin ? Tes soins officieux
Ont réduit en cordons nos voiles précieux ;
On l’en a garrotté : les chemises trempées,
À le tirer à nous nous étions occupées ;
Courbant sous ce fardeau, les ampoules aux mains,
Chacun, en maugréant, accusait les destins
De voir en l’air pendu ce grand foudre de guerre,
Quand la corde se rompt : crac, pouf, il tombe à terre :
Voilà mon songe.

Charmion


Ah, ciel ! j’en frissonne pour vous ;
Mais rengainez vos pleurs, Antoine vient à nous.


Scène III

.
Antoine, Cléopâtre, Charmion


Cléopâtre


Que présage à mes yeux ce teint brun, cet œil louche ?
Qui vous fait larmoyer ? Antoine, ouvrez la bouche,
Qu’avez-vous ?

Antoine
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