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Nous étions couchés dans un bouge ici près.
Le lit, qu’apparemment on avait fait exprès,
Était, comme le bouge, étroit et sans ruelle.
M’ayant laissé le soin d’éteindre la chandelle,
La rancune au milieu s’est couché le premier ;
Je me suis doucement mis au bord le dernier.
J’entonnais, en ronflant, déjà mon premier somme,
Alors que, d’une voix douloureuse, mon homme
M’a tiré par le bras, et s’est plaint, en criant,
D’une difficulté d’uriner, me priant
De lui donner le pot de chambre. À sa prière
Je l’ai fait. Après s’être en vain une heure entière
Efforcé, plaint, crié, juré comme un perdu,
Sans avoir uriné goutte, il me l’a rendu.
Moi, qui porte un bon cœur que le mal d’autrui touche
"Je vous plains", ai-je dit alors, ouvrant la bouche
Aussi grande qu’un four, à force de bâiller ;
Puis je me suis remis plus fort à sommeiller.
Dans ce somme profond la matineuse aurore
M’aurait trouvé gisant, si le perfide encore
Ne m’avait réveillé, me tirant par le bras,
Pour me redemander, avec de grands hélas,
Une seconde fois ce maudit pot du diable.
Une seconde fois, ma pitié charitable
L’a mis entre ses mains : pestant, mordant ses doigts,
N’ayant rien fait non plus que la première fois,
Il me l’a redonné, me priant, hors d’haleine,
De ne me plus donner une semblable peine,
Qu’elle n’était pas juste, et qu’il la prendrait bien :
Et moi, qui n’aime pas de contredire à rien,
J’ai dit qu’à ses désirs il pouvait satisfaire.