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Moi, j’ai soudain serré mes deux jambes de crainte ;
L’animal aussitôt, à cette double atteinte,
A levé le derrière, et moi je suis glissé
Aussitôt sur le col où je me suis blessé ;
Car le cheval mutin, après cette ruade,
A relevé sa tête, et fait une saccade
Qui du col sur la croupe à l’instant m’a placé,
Du maudit mousqueton toujours embarrassé.
N’y souffrant rien, il a gambadé de plus belle,
Et m’a fait un pivot du pommeau de la selle.
M’étant saisi du crin, et me tenant serré,
Mon cheval galopait, quand mon arme a tiré :
Je me suis cru le coup au travers de la panse ;
Mon cheval en a craint tout autant, que je pense,
Car il en a du coup si rudement bronché,
Que le maudit pommeau qui me tenait bouché
Juste un certain endroit comme un bouchon de liège,
À mon corps chancelant n’a plus servi de siège.
Suspendu donc en l’air, un pied libre et traînant,
L’autre pour mon malheur à l’étrier tenant,
Jamais de mon trépas je ne me crus si proche.
Enfin je fais effort, et mon pied se décroche ;
Lors on a vu soudain, comme un fardeau de plomb,
Corps, harnais, baudrier, épée, et mousqueton,
Bandoulière, enfin bref tout l’attirail de guerre,
Donner, non sans douleur, de compagnie à terre ;
Et tout cela s’est fait, ma foi ! sans vanité,
Bien plus adroitement que je n’étais monté.
À peine relevé de cette culbute,
J’avais l’esprit encore étourdi de ma chute,
Quand cet homme a plein poing est venu me charger :
M’étant senti des pieds encor pour déloger,
J’ai promptement cherché du secours dans la fuite ;
Mais il s’est jusqu’ici chargé de ma conduite,
Toujours la fourche aux reins.

Le charretier
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Eh mordienne ! Ai-je tort ?