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L’on ne réussit pas toûjours comme on souhaite,
Calliope a bien fait d’user d’une défaite ;
Cette interruption est venuë à propos :
C’est pourquoy choisissez des tons un peu moins hauts.
Horace en a de tous ; voyez ceux qui vous duisent :
J’aime fort les Auteurs qui sur luy se conduisent ;
Voila les gens qu’il faut à present imiter.


Polymnie.

C’est bien dit, si cela pouvoit s’executer :
Mais avons-nous l’esprit qu’autrefois à cet homme
Nous sçavions inspirer sur le déclin de Rome ?
Tout est trop fort décheu dans le sacré valon.


Apollon.

J’en conviens, jusque mesme au mestier d’Apollon :
Il n’est rien qui n’empire, hommes, Dieux ; mais que faire ?
Irons-nous pour cela nous cacher et nous taire ?
Je ne regarde pas ce que j’estois jadis,
Mais ce que je seray quelque jour, si je vis.
Nous vieillissons enfin, tout autant que nous sommes
De Dieux nez de la Fable, et forgez par les hommes.
Je prévois par mon art un temps où l’Univers
Ne se souciera plus ny d’Autheurs, ny de Vers,
Où vos divinitez periront, et la mienne.
Joüons de nostre reste avant que ce temps vienne.
C’est à vous, Polymnie, à nous entretenir.


Polymnie.

Je songeois aux moyens qu’il me faudroit tenir :
À peine en rencontray-je un seul qui me contente.
Cecy vous plairoit-il ? Je fais parler Acante.

Qu’une belle est heureuse, et que de doux momens,
Quand elle en sçait user, accompagnent sa vie !
D’un costé le miroir, de l’autre les Amans,
Tout la louë ; est-il rien de si digne d’envie ?

La loüange est beaucoup, l’Amour est plus encor :
Quel plaisir de conter les cœurs dont on dispose !