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Que si, m’obeïssant, vous estiez bien traité ?
Je vous rendrois heureux.


Acante.

Je vous rendrois heureux. Selon vostre maniere,
Du bon-heur d’un amy, d’un parent, ou d’un frere ;
Que sçais-je ? de chacun : car vous sçavez qu’on peut
Faire ainsi des heureux autant que l’on en veut.


Climene.

Non, non, j’aurois pour vous beaucoup plus de tendresse,
Vous verriez à quel point Climene s’interesse
Pour tout ce qui vous touche.


Acante.

Pour tout ce qui vous touche. Et pour moy-mesme aussi ?


Climene.

Quelle distinction mettez vous en cecy ?


Acante.

Tres-grande : mais laissons à part la difference :
Aussi bien je craindrois de commettre une offense,
Si j’avois entrepris de prouver contre vous
Qu’autre chose est d’aimer nos qualitez ou nous.
Je vous diray pourtant que mon amour extrême
A pour premier objet vostre personne mesme :
Tout m’en semble charmant ; elle est telle qu’il faut :
Mais, pour vos qualitez, j’y trouve du défaut.


Climene.

Dites-nous quel il est, afin qu’on s’en corrige.


Acante.

Vous n’aimez point l’Amour ; vous le haïssez, dis-je ;
Ce Dieu prés de vostre ame a perdu tout crédit.


Climene.

Je ne hais point l’Amour, je vous l’ay déja dit :
Je le crains seulement, et serois plus contente
Si vous vouliez changer vostre ardeur vehemente,