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Thalie.

Mes sœurs, je suis Climene. Et Moy, je suis Acante.


Apollon.

Fort bien ; nous écoutons ; remplissez nostre attente.


Climene.

Acante, vous perdez vostre temps et vos soins.
Voulez-vous qu’on vous aime, aimez-nous un peu moins.
Ostez ce mot d’Amour, c’est ce qu’on vous conseille.


Acante.

Que je l’oste ! Est-il rien de si doux à l’oreille ?
Quoy ! de vous adorer Acante cesseroit !
Contre sa passion il vous obeïroit !
Ah ! laissez-luy du moins son tourment pour salaire.
Suis-je si dangereux ? Helas ! non ; si j’espere,
Ce n’est plus d’estre aimé ; tant d’heur ne m’est point dû :
Je l’avois jusqu’icy follement pretendu.
Mourir en vous aimant est toute mon envie :
Mon amour m’est plus cher mille fois que la vie.
Laissez-moy mon amour, Madame, au nom des Dieux.


Climene.

Toûjours ce mot ! toûjours !


Acante.

Toûjours ce mot ! toûjours ! Vous est-il odieux ?
Que de Belles voudroient n’en entendre point d’autre !
Il charme également vostre sexe et le nostre :
Seule vous le fuyez ; mais ne s’est-il point vû
Quelque temps où peut-estre il vous a moins déplû ?


Climene.

L’Amour, je le confesse, a traversé ma vie :
C’est ce qui, malgré moy, me rend son ennemie.
Aprés un tel aveu, je ne vous diray pas
Que votre passion est pour moy sans appas,
Et que d’aucun plaisir je ne me sens touchée
Lorsqu’à tant de respect je la vois attachée.