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Lettres.


puis quatre carrosses vuides, et quelques valets à l’entour,

Non sans écureuils et turquets[1],
Ni, je pense, sans perroquets ;

le tout escorté par M. de La Fourcade, Garde du Corps. Je vous laisse à deviner quelles gens c’étoient. Comme ils suivoient notre route, et qu’ils débarquérent à la même hôtellerie où notre cocher nous avoit fait descendre, le scrupule nous prit à tous de coucher en mêmes lits qu’eux, et de boire en mêmes verres. Il n’y en avoit point qui s’en tourmentât plus que la Comtesse.

Nous allâmes le jour suivant coucher à Montels, et dîner le lendemain au Port de Pilles, où notre compagnie commença de se séparer. La Comtesse envoya un laquais, non chez son mari, mais chez un de ses parens porter les nouvelles de son arrivée, et donner ordre qu’on lui amenât un carosse avec quelque escorte. Pour moi, comme Richelieu n’étoit qu’à cinq lieues, je n’avois garde de manquer de l’aller voir ; les Allemans se détournent bien pour cela de plusieurs journées. M. Châteauneuf, qui connoissoit le pays, s’offrit de m’accompagner ; je le pris au mot, et ainsi votre oncle demeura seul, et alla coucher Chatelleraud, où nous promîmes de nous rendre le lendemain de grand matin.

Le Port de Pilles est un lieu passant, et où l’on trouve toutes sortes de commoditez, même incommodes : il s’y rencontre de méchans chevaux,

Encore mal ferrez, et plus mal embouchez,
Et très-mal enharnachez.

  1. Il y a dans l’édition de 1729 : non sans écureuils à turquets, ce qui ne donne point de sens raisonnable.