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CHANT PREMIER.

Produisit un remede au plus grand de nos maux :
C’est l’ecorce du Kin, seconde Panacée.
Loin des peuples connus Appollon l’a placée ;
Entre elle et nous s’étend tout l’empire des flots.
Peut-estre il a voulu la vendre à nos travaux ;
Peut-estre il la devoit donner pour récompense
Aux hostes d’un climat où regne l’innocence.
O toy qui produisis ce trésor sans pareil,
Cet arbre ainsi que l’or digne Fils du Soleil,
Prince du double mont, commande aux neuf pucelles
Que leur chœur pour m’ayder députe deux d’entre elles ;
J’ay besoin aujourd’huy de deux talents divers :
L’un est l’Art de ton Fils[1] ; et l’autre, les beaux vers.

Le mal le plus commun, et quelqu’un mesme assure
Que seul on te peut dire un mal à bien parler,
C’est la fievre, autrefois esperance trop sure
A Cloton, quand ses mains se lassoient de filer.
Nous en avions en vain l’origine cherchée.
On prédisoit son cours, on sçavoit son progrez,
On déterminoit ses effets,
Mais la cause en étoit cachée.
La fievre, disoit-on, a son siege aux humeurs.
Il se fait un foyer qui pousse ses vapeurs
Jusqu’au cœur, qui les distribuë
Dans le sang, dont la masse en est bien-tôt imbuë.
Ces amas enflamez, pernicieux tresors,
Sur l’aisle des esprits aux familles errantes,
S’en vont infecter tout le corps,
Source de fievres differentes.
Si l’humeur bilieuse a causé ces transports,
Le sang, vehicule fluide
Des esprits ainsi corrompus,
Par des accés de tierce à peine interrompus,
Va d’artere en artere attaquer le solide.
Toutes nos actions souffrent un changement.

  1. Esculape.