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CONTES ET NOUVELLES.

Depuis deux jours j’ay fait cette promesse.
Puis fiez-vous à Rimeur qui répond
D’un seul moment. Dieu ne fit la sagesse
Pour les cerveaux qui hantent les neuf Sœurs :
Trop bien ont-ils quelque art qui vous peut plaire,
Quelque jargon plein d’assez de douceurs ;
Mais d’être sûrs ce n’est là leur affaire.
Si me faut-il trouver, n’en fût-il point,
Temperament pour accorder ce poinct ;
Et, supposé que quant à la matiere
J’eusse failly, du moins pourrois-je pas
Le reparer, par la forme, en tout cas ?
Voyons cecy. Vous sçaurez que naguere
Dans la Touraine un jeune Bachelier....
(Interpretez ce mot à vôtre guise :
L’usage en fut autrefois familier
Pour dire ceux qui n’ont la barbe grise ;
Ores ce sont supposts de sainte Eglise.)
Le nôtre soit sans plus un jouvenceau
Qui dans les prez, sur le bord d’un ruisseau,
Vous cajoloit la jeune bachelette
Aux blanches dents, aux pieds nus, aux corps gent,
Pendant qu’Io, portant une clochette,
Aux environs alloit l’herbe mangeant.
Nôtre galand vous lorgne une fillette,
De celles-là que je viens d’exprimer.
Le malheur fut qu’elle étoit trop jeunette,
Et d’âge encore incapable d’aimer.
Non qu’à treize ans on y soit inhabile ;
Même les loix ont avancé ce temps[1] :
Les loix songeoient aux personnes de ville,
Bien que l’amour semble né pour les champs.
Le Bachelier déploya sa science.

  1. Il y a dans mon exemplaire de Maucroix une note manuscrite du temps, ainsi conçue : « Permettant le mariage des filles à douze ans. » (Note de M. Walckenaer.)