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QUATRIESME PARTIE.

Le rendez-vous n’est point dans une chambre haute :
Le logis est propre et paré.
On m’a fait à l’abord traverser un passage
Où jamais le jour n’est entré ;
Mais aussi-tost aprés, la vieille du message
M’a conduit en des lieux où loge, en bonne foy,
Tout ce qu’amour a de délices :
On peut s’en rapporter à moy.
A ce discours jugez quels estoient les supplices
Qu’enduroit le Docteur. Il forme le dessein
De s’en aller le lendemain
Au lieu de l’écolier, et, sous ce personnage,
Convaincre sa moitié, luy faire un vasselage
Dont il fust à jamais parlé.
N’en déplaise au nouveau confrere,
Il n’estoit pas bien conseillé ;
Mieux valoit pour le coup se taire,
Sauf d’apporter en temps et lieu
Remede au cas, moyennant Dieu.
Quand les épouses font un récipiendaire
Au benoist estat de cocu,
S’il en peut sortir franc, c’est à luy beaucoup faire ;
Mais, quand il est déja receu,
Une façon de plus ne fait rien à l’affaire.
Le Docteur raisonna d’autre sorte, et fit tant
Qu’il ne fit rien qui vaille. Il crut qu’en prévenant
Son Parrein en cocüage,
Il feroit tour d’homme sage :
Son Parrein, cela s’entend,
Pourveu que sous ce galant
Il eust fait aprentissage ;
Chose dont, à bon droit, le Lecteur peut douter.
Quoy qu’il en soit, l’Epoux ne manque pas d’aller
Au logis de l’Avanture,
Croyant que l’allée obscure,
Son silence, et le soin de ce cacher le nez,
Sans qu’il fust reconnu, le feroient introduire
En ces lieux si fortunez ;