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CONTES ET NOUVELLES.

Fust propre femme du Docteur :
Elle l’estoit pourtant. Le pis fut que mon homme,
En s’informant de tout, et des si, et des cas,
Et comme elle estoit faite, et quels secrets appas,
Vid que c’estoit sa femme en somme.
Un seul poinct l’arrestoit ; c’estoit certain talent
Qu’avoit en sa moitié trouvé l’étudiant,
Et que pour le marl n’avoit pas la donzelle.
A ce signe, ce n’est pas elle,
Disoit en soy le pauvre Epoux ;
Mais les autres poincts y sont tous ;
C’est elle. Mais ma femme au logis est resveuse,
Et celle-cy paroist causeuse
Et d’un agreable entetien ;
Assurément c’en est une autre :
Mais du reste il n’y manque rien ;
Taille, visage, traits, mesme poil ; c’est la nostre.
Aprés avoir bien dit tout bas,
Ce l’est, et puis, ce ne l’est pas,
Force fut qu’au premier en demeurast le sire.
Je laisse à penser son courroux,
Sa fureur, afin de mieux dire.
Vous vous estes donnez un second rendez-vous ?
Poursuivit-il. Ouy, reprit nostre apôtre ;
Elle et moy n’avons eu garde de l’oublier,
Nous trouvans trop bien du premier
Pour n’en pas mesnager un autre,
Trés résolus tous deux de ne nous rien devoir.
La résolution, dit le Docteur, est belle.
Je sçaurois volontiers quelle est cette donzelle.
L’écolier repartit : Je ne l’ay pu sçavoir ;
Mais qu’importe ? Il suffit que je sois contant d’elle.
Dés à présent je vous réponds
Que l’Epoux de la Dame a toutes ses façons :
Si quelqu’une manquoit, nous la luy donnerons
Demain, en tel endroit, à telle heure, sans faute.
On doit m’attendre entre deux draps,
Champ de bataille propre à de pareils combats.