Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
QUATRIESME PARTIE.

Que quelque jour de semblables delices
Les attendoient, pourveu que hardiment,
Sans redouter la mort ny les supplices,
Ils fissent chose agreable à Mahom,
Servant leur prince en toute occasion.
Par ce moyen leur prince pouvoit dire
Qu’il avoit gens à sa devotion,
Determinez, et qu’il n’estoit Empire
Plus redouté que le sien icy bas.
Or ay-je esté prolixe sur ce cas
Pour confirmer l’histoire de Feronde.
Feronde estoit un sot de par le monde,
Riche manant, ayant soin du tracas,
Dixmes et cens, revenus et menage
D’un Abbé blanc. J’en sçais de ce plumage
Qui valent bien les noirs, à mon avis,
En fait que d’estre aux maris secourables,
Quand forte tasche ils ont en leur logis,
Si qu’il y faut Moines et gens capables.
Au lendemain celuy-cy ne songeoit,
Et tout son fait dés la veille mangeoit,
Sans rien garder, non plus qu’un droit Apostre,
N’ayant autre œuvre, autre employ, penser autre,
Que de chercher où gisoient les bons vins,
Les bons morceaus, et les bonnes commeres,
Sans oublier les gaillardes Nonains,
Dont il faisoit peu de part à ses freres.
Feronde avoit un joli chaperon
Dans son logis, femme sienne, et dit-on
Que Parantele estoit entre la Dame
Et nostre Abbé ; car son prédecesseur,
Oncle et parrein, dont Dieu veuille avoir l’ame,
En estoit pere, et la donna pour femme
A ce manant, qui tint à grand honneur
De l’épouser. Chacun sçait que de race
Communément fille bastarde chasse :
Celle-cy donc ne fit mentir le mot.
Si n’estoit pas l’époux homme si sot