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TROISIESME PARTIE.
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Qu’avant que partir de la place
On traite avec luy de son Chien.
On luy donne un baiser pour arrhes de la grace
Qu’il demandoit, et la nuit vint.
Aussi-tost que le drosle tint
Entre ses bras Madame Argie,
Il redevint Atis ; la Dame en fut ravie ;
C’estoit avec bien plus d’honneur
Traiter Monsieur l’Ambassadeur.
Cette nuit eut des sœurs, et mesme en trés-bon nombre.
Chacun s’en apperceut ; car d’enfermer sous l’ombre
Une telle aise, le moyen ?
Jeunes gens font-ils jamais rien
Que le plus aveugle ne voye ?
A quelques mois de là, le S. Pere renvoye
Anselme avec force Pardons,
Et beaucoup d’autres menus dons.
Les biens et les honneurs pleuvoient sur sa personne.
De son vicegerent il apprend tous les soins :
Bons certificats des voisins ;
Pour les Valets, nul ne luy donne
D’éclaircissement sur cela,
Monsieur le Juge interrogea
La Nourrice avec les Soubrettes,
Sages personnes et discretes ;
Il n’en put tirer ce secret :
Mais, comme parmy les femelles
Volontiers le Diable se met,
Il survint de telles querelles,
La Dame et la Nourrice eurent de tels debats,
Que celle-cy ne manqua pas
A se venger de l’autre, et declarer l’affaire.
Deust-elle aussi se perdre, il falut tout conter.
D’exprimer jusqu’où la colere
Ou plûtost la fureur de l’Epoux put monter,
Je ne tiens pas qu’il soit possible ;
Ainsi je m’en tairay : on peut par les effets
Juger combien Anselme estoit homme sensible.