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TROISIESME PARTIE.


XII. — AUTRE IMITATION D’ANACRÉON [1].


J’estois couché mollement,
Et, contre mon ordinaire,
Je dormois tranquillement,
Quand un enfant s’en vint faire
A ma porte quelque bruit.
Il pleuvoit fort cette nuit ;
Le vent, le froid, et l’orage
Contre l’enfant faisoient rage.
Ouvrez, dit-il, je suis nu.
Moy, charitable et bon homme,
J’ouvre au pauvre morfondu,
Et m’enquiers comme il se nomme,
Je te le diray tantost,
Repartit-il ; car il faut
Qu’auparavant je m’essuye.
J’allume aussi-tost du feu.
Il regarde si la pluye
N’a point gasté quelque peu
Un arc dont je me méfie.
Je m’aproche toutefois,
Et de l’enfant prends les doigts,
Les réchauffe ; et dans moy-mesme
Je dis : Pourquoy craindre tant ?
Que peut-il ? c’est un enfant :
Ma coüardise est extreme
D’avoir eu le moindre effroy ;
Que seroit-ce si chez moy

  1. Ode 3, (εἰς Ἔρωτα), pièce généralement connue sous le titre de : L’Amour mouillé. M. Walckenaer le luy a conservé dans ses éditions de La Fontaine.