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CONTES ET NOUVELLES.

De reprendre un peu vostre vent.
Or, respirez tout à vostre aise.
Vous estes apprenty Marchand ;
Faites-vous apprenty Galand :
Vous n’y serez pas si-tost Maistre.
A mon égard, je ne puis estre
Vostre Maistresse en ce mestier.
Sire Nicaise, il vous faut prendre
Quelque servante du quartier.
Vous sçavez des estoffes vendre,
Et leur prix en perfection ;
Mais ce que vaut l’occasion
Vous l’ignorez, allez l’apprendre.



VIII. — LE BAST.


Un peintre estoit, qui, jaloux de sa femme,
Allant aux Champs lui peignit un baudet
Sur le nombril, en guise de cachet.
Un sien confrere, amoureux de la Dame,
La va trouver, et l’asne efface net ;
Dieu sçait comment ; puis un autre en remet
Au mesme endroit, ainsi que l’on peut croire.
A celuy-cy, par faute de memoire,
Il mit un Bast ; l’autre n’en avait point.
L’Epoux revient, veut s’éclaircir du poinct.
Voyez, mon fils, dit la bonne commere,
L’asne est témoin de ma fidelité.
Diantre soit fait, dit l’Epoux en colere
Et du témoin, et de qui l’a basté.