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CONTES ET NOUVELLES.

Perdu l’amour qui l’alloit consumant ;
Mais de ses feux la memoire importune
Le talonnoit ; toûjours un double ennuy
Alloit en croupe à la chasse avec luy.
Mort vint saisir le mary de Clitie.
Comme ils n’avoient qu’un fils pour tous enfans,
Fils n’ayant pas pour un pouce de vie,
Et que l’Epoux, dont les biens estoient grands,
Avoit toûjours consideré sa femme,
Par testament il declare la Dame
Son heritiere, arrivant le deceds
De l’enfançon, qui peu de temps aprés
Devint malade. On sçait que d’ordinaire
A ses enfans mere ne sçait que faire,
Pour leur montrer l’amour qu’elle a pour eux ;
Zele souvent aux enfans dangereux.
Celle-cy, tendre et fort passionnée,
Autour du sien est toute la journée
Luy demandant ce qu’il veut, ce qu’il a ;
S’il mangeroit volontiers de cela,
Si ce joüet, enfin si cette chose
Est à son gré. Quoy que l’on luy propose
Il le refuse ; et pour toute raison
Il dit qu’il veut seulement le Faucon
De Federic ; pleure et meine une vie
A faire gens de bon cœur detester :
Ce qu’un enfant a dans la fantaisie
Incontinent il faut l’executer,
Si l’on ne veut l’ouïr toûjours crier.
Or il est bon de sçavoir que Clitie
A cinq cens pas, de cette métairie,
Avoit du bien, possedoit un Chasteau :
Ainsi l’enfant avoit pu de l’oyseau
Ouïr parler : on en disoit merveilles ;
On en contoit des choses nompareilles :
Que devant luy jamais une perdrix
Ne se sauvoit, et qu’il en avoit pris
Tant ce matin, tant cette apresdinée ;