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DEUXIESME PARTIE.

Je ne vous aurois jamais dit
Tous ses Temples et ses Chapelles,
Nommez pour la pluspart alcoves et ruelles.
Là les gens pour Idole ont un certain oiseau,
Qui dans ses portraits est fort beau,
Quoy qu’il n’ait des plumes qu’aux aisles.
Au contraire des autres Dieux,
Qu’on ne sert que quand on est vieux,
La jeunesse luy sacrifie.
Si vous sçaviez l’honneste vie
Qu’en le servant menoit Madame Alaciel,
Vous beniriez cent fois le Ciel
De vous avoir donné fille tant accomplie.
Au reste, en ces pays on vit d’autre façon
Que parmy vous ; les Belles vont et viennent :
Point d’Eunuques qui les retiennent ;
Les hommes en ces lieux ont tous barbe au menton.
Madame dés l’abord s’est faite à leur methode,
Tant elle est de facile humeur ;
Et je puis dire à son honneur
Que de tout elle s’accommode.

 Zaïr estoit ravy. Quelques jours écoulez,
La Princesse partit pour Garbe en grande escorte.
Les gens qui la suivoient furent tous regalez
De beaux presens : et d’une amour si forte
Cette Belle toucha le cœur de Mamolin,
Qu’il ne se tenoit pas. On fit un grand festin,
Pendant lequel, ayant belle audience,
Alaciel conta tout ce qu’elle voulut,
Dit les mensonges qu’il luy plut.
Mamolin et sa Cour écoutoient en silence.
La nuit vint : on porta la Reine dans son lit.
A son honneur elle en sortit :
Le Prince en rendit témoignage.
Alaciel, à ce qu’on dit,
N’en demandoit pas davantage.

Ce conte nous apprend que beaucoup de maris