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CONTES ET NOUVELLES.

Le second jour commence à la toucher.
Elle resve à cette avanture.
Laisser mourir un homme, et pouvoir l’empêcher
C’est avoir l’ame un peu trop dure.
Par pitié donc elle condescendit
Aux volontez du Capitaine ;
Et cet office luy rendit
Gayment, de bonne grace, et sans monstrer de peine ;
Autrement le remede eust esté sans effet.
Tandis que le Galant se trouve satisfait,
Et remet les autres affaires ;
Disant tantost que les vents sont contraires ;
Tantost qu’il faut radouber ses galeres
Pour estre en estat de partir ;
Tantost qu’on vient de l’avertir
Qu’il est attendu des Corsaires ;
Un Corsaire en effet arrive, et surprenant
Ses gens demeurez à la rade,
Les tuë, et va donner au Chasteau l’escalade :
Du fier Grifonio c’estoit le Lieutenant.
 
Il prend le Chasteau d’emblée.
Voilà la feste troublée.
Le jeusneur maudit son sort.
Le Corsaire apprend d’abord
L’avanture de la Belle,
Et la tirant à l’écart,
Il en veut avoir sa part.
Elle fit fort la rebelle.
Il ne s’en étonna pas,
N’estant novice en tels cas.
Le mieux que vous puissiez faire,
Luy dit tout franc ce Corsaire,
C’est de m’avoir pour ami ;
Je suis Corsaire et demy.
Vous avez fait jeusner un pauvre miserable
qui se mouroit pour vous d’amour ;
Vous jeusnerez à vostre tour,