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CONTES ET NOUVELLES.

Voyez combien voila de choses enchaînées,
Et par la cassette amenées.
 
Or au fond de ce bois un certain antre estoit,
Sourd et muet, et d’amoureuse affaire,
Sombre sur tout ; la nature sembloit
L’avoir mis là non pour autre mystere.
Nos deux Amans se promenant un jour,
Il arriva que ce fripon d’Amour
Guida leurs pas vers ce lieu solitaire.
Chemin faisant Hispal expliquoit ses desirs,
Moitié par ses discours, moitié par ses soûpirs,
Plein d’une ardeur impatiente ;
La Princesse écoutoit incertaine et tremblante.
 
Nous voicy, disoit-il, en un bord étranger,
Ignorez du reste des hommes ;
Profitons-en ; nous n’avons à songer
Qu’aux douceurs de l’Amour, en l’estat où nous sommes.
Qui vous retient ? on ne sçait seulement
Si nous vivons ; peut-estre en ce moment
Tout le monde nous croit au corps d’une Baleine.
Ou favorisez vostre Amant,
Ou qu’à vostre Epoux il vous meine.
Mais pourquoy vous mener ? vous pouvez rendre heureux
Celuy dont vous avez éprouvé la constance.
Qu’attendez-vous pour soulager ses feux ?
N’est-il point assez amoureux ?
Et n’avez-vous point fait assez de resistance ?
 
Hispal haranguoit de façon
Qu’il auroit échauffé des marbres,
Tandis qu’Alaciel à l’ayde d’un poinçon,
Faisoit semblant d’écrire sur les arbres.
Mais l’amour la faisoit resver
A d’autres choses qu’à graver
Des caracteres sur l’écorce.
Son Amant et le lieu l’asseuroient du secret :