Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
FABLES CHOISIES.

De luy préter sa hute, où la Lice s’enferme.
Au bout de quelque-temps sa Compagne revient.
La Lice luy demande encore une quinzaine.
Ses petits ne marchoient, disoit-elle, qu’à peine.
Pour faire court, elle l’obtient.
Ce second terme échû, l’autre luy redemande
Sa maison, sa chambre, son lit.
La Lice cette fois montre les dents, et dit :
Je suis preste à sortir avec toute ma bande,
Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfans estoient déja forts.

Ce qu’on donne aux méchans, toûjours on le regrette.
Pour tirer d’eux ce qu’on leur preste,
Il faut que l’on en vienne aux coups ;
Il faut plaider, il faut combattre.
Laissez-leur prendre un pied chez vous,
Ils en auront bien-tost pris quatre.




VIII.
L’AIGLE ET L’ESCARBOT[1].



L’Aigle donnoit la chasse à Maître Jean Lapin,
Qui droit à son terrier s’enfuyoit au plus viste.
Le trou de l’Escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce giste
Estoit seur ; mais où mieux ? Jean-Lapin s’y blotit.
L’Aigle fondant sur luy nonobstant cet azile,
L’Escarbot intercede et dit :
Princesse des Oyseaux, il vous est fort facile
D’enlever mal-gré moy ce pauvre mal-heureux :
Mais ne me faites pas cét affront, je vous prie :
Et puisque Jean Lapin vous demande la vie,

  1. Voyez ci-dessus page 36.