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L’on ne peut être plus surprise que je le suis, dit alors madame de Clèves, et je croyais madame de Tournon incapable d’amour et de tromperie. L’adresse et la dissimulation, reprit M. de Clèves, ne peuvent aller plus loin qu’elle les a portées. Remarquez que, quand Sancerre crut qu’elle était changée pour lui, elle l’était véritablement, et qu’elle commençait à aimer Estouteville. Elle disait à ce dernier qu’il la consolait de la mort de son mari, et que c’était lui qui était cause qu’elle quittait cette grande retraite ; et il paraissait à Sancerre que c’était parce que nous avions résolu qu’elle ne témoignerait plus d’être si affligée. Elle faisait valoir à Estouteville de cacher leur intelligence, et de paraître obligée à l’épouser par le commandement de son père, comme un effet du soin qu’elle avait de sa réputation ; et c’était pour abandonner Sancerre, sans qu’il eût sujet de s’en plaindre. Il faut que je m’en retourne, continua M. de Clèves, pour voir ce malheureux, et je crois qu’il faut que vous reveniez aussi à Paris. Il est temps que vous voyiez le monde, et que vous receviez ce nombre infini de visites dont aussi-bien vous ne sauriez vous dispenser.

Madame de Clèves consentit à son retour, et elle revint le lendemain. Elle se trouva plus tranquille sur M. de Nemours qu’elle n’avait été : tout ce que lui avait dit madame de Chartres en mourant, et la douleur de sa mort, avaient fait une suspension à ses sentiments, qui lui faisait croire qu’ils étaient entièrement effacés.

Dès le même soir qu’elle fut arrivée, madame la dauphine la vint voir, et, après lui avoir témoigné la