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donné une douleur sensible. Il prit comme un présage que la fortune destinait M. de Nemours à être amoureux de madame de Clèves : et, soit qu’en effet il eût paru quelque trouble sur son visage, ou que la jalousie fît voir au chevalier de Guise au delà de la vérité, il crut qu’elle avait été touchée de la vue de ce prince, et il ne put s’empêcher de lui dire que M. de Nemours était bien heureux de commencer à être connu d’elle par une aventure qui avait quelque chose de galant et d’extraordinaire.

Madame de Clèves revint chez elle, l’esprit si rempli de tout ce qui s’était passé au bal, que, quoiqu’il fût fort tard, elle alla dans la chambre de sa mère pour lui en rendre compte ; et elle lui loua M. de Nemours avec un certain air qui donna à madame de Chartres la même pensée qu’avait eue le chevalier de Guise.

Le lendemain, la cérémonie des noces se fit. Madame de Clèves y vit le duc de Nemours avec une mine et une grace si admirables qu’elle en fut encore plus surprise.

Les jours suivants, elle le vit chez la reine dauphine, elle le vit jouer à la paume avec le roi, elle le vit courre la bague, elle l’entendit parler ; mais elle le vit toujours surpasser de si loin tous les autres, et se rendre tellement maître de la conversation dans tous les lieux où il était, par l’air de sa personne, et par l’agrément de son esprit, qu’il fit, en peu de temps une grande impression dans son cœur.

Il est vrai aussi que, comme M. de Nemours sentait pour elle une inclination violente, qui lui donnait cette douceur et cet enjouement qu’inspirent les pre-