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voix d’un homme, sans distinguer celle du comte. Une pareille aventure eût donné de l’emportement à un esprit et plus tranquille et moins jaloux : aussi mit-elle d’abord l’excès de la rage et de la fureur dans celui du prince. Il heurta aussitôt à la porte avec impétuosité, et, criant pour se faire ouvrir, il donna la plus cruelle surprise du monde à la princesse, au duc de Guise et au comte de Chabanes. Le dernier, entendant la voix du prince, comprit d’abord qu’il était impossible de l’empêcher de croire qu’il n’y eût quelqu’un dans la chambre de la princesse sa femme, et, la grandeur de sa passion lui montrant en ce moment, que, s’il y trouvait le duc de Guise, madame de Montpensier aurait la douleur de le voir tuer à ses yeux, et que la vie même de cette princesse ne serait pas en sûreté, il résolut, par une générosité sans exemple, de s’exposer pour sauver une maîtresse ingrate et un rival aimé. Pendant que le prince de Montpensier donnait mille coups à la porte, il vint au duc de Guise, qui ne savait quelle résolution prendre, et il le mit entre les mains de cette femme de madame de Montpensier qui l’avait fait entrer par le pont, pour le faire sortir par le même lieu, pendant qu’il s’exposerait à la fureur du prince. À peine le duc était hors de l’antichambre, que le prince, ayant enfoncé la porte du passage, entra dans la chambre comme un homme possédé de fureur et qui cherchait sur qui la faire éclater. Mais quand il ne vit que le comte de Chabanes, et qu’il le vit immobile, appuyé sur la table, avec un visage où la tristesse était peinte, il demeura immobile lui-même : et la surprise de trouver, et seul