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la salle, outré, dans le cœur, et contre le roi et contre le duc d’Anjou. Mais sa douleur augmenta sa fierté naturelle, et, par une manière de dépit, il s’approcha beaucoup plus de Madame qu’il n’avait accoutumé ; joint que ce que lui avait dit le duc d’Anjou de la princesse de Montpensier l’empêchait de jeter les yeux sur elle. Le duc d’Anjou les observait soigneusement l’un et l’autre. Les yeux de cette princesse laissaient voir, malgré elle, quelque chagrin, lorsque le duc de Guise parlait à Madame. Le duc d’Anjou, qui avait compris, par ce qu’elle lui avait dit, en le prenant pour M. de Guise, qu’elle avait de la jalousie, espéra de les brouiller, et, se mettant auprès d’elle : C’est pour votre intérêt, madame, plutôt que pour le mien, lui dit-il, que je m’en vais vous apprendre que le duc de Guise ne mérite pas que vous l’ayez choisi à mon préjudice. Ne m’interrompez point, je vous prie, pour me dire le contraire d’une vérité que je ne sais que trop. Il vous trompe, madame, et vous sacrifie à ma sœur, comme il vous l’a sacrifiée. C’est un homme qui n’est capable que d’ambition ; mais, puisqu’il a eu le bonheur de vous plaire, c’est assez ; je ne m’opposerai pas à une fortune que je méritais sans doute mieux que lui ; je m’en rendrais indigne, si je m’opiniâtrais davantage à la conquête d’un cœur qu’un autre possède. C’est trop de n’avoir pu attirer que votre indifférence : je ne veux pas y faire succéder la haine, en vous importunant plus longtemps de la plus fidèle passion qui fut jamais. Le duc d’Anjou, qui était effectivement touché d’amour et de douleur, put à peine achever ces paroles, et, quoiqu’il eût commencé son discours dans un esprit de dépit et