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la beauté. Le duc d’Anjou dansait une entrée de Maures ; et le duc de Guise, avec quatre autres, était de son entrée. Leurs habits étaient tous pareils, comme le sont d’ordinaire les habits de ceux qui dansent une même entrée. La première fois que le ballet se dansa, le duc de Guise, devant que de danser, n’ayant pas encore son masque, dit quelques mots en passant à la princesse de Montpensier. Elle s’aperçut bien que le prince son mari y avait pris garde, ce qui la mit en inquiétude. Quelque temps après, voyant le duc d’Anjou avec son masque et son habit de Maure, qui venait pour lui parler, troublée de son inquiétude, elle crut que c’était encore le duc de Guise, et s’approchant de lui : N’ayez des yeux ce soir que pour Madame, lui dit-elle ; je n’en serai point jalouse ; je vous l’ordonne : on m’observe ; ne m’approchez plus. Elle se retira sitôt qu’elle eut achevé ces paroles. Le duc d’Anjou en demeura accablé comme d’un coup de tonnerre. Il vit, dans ce moment, qu’il avait un rival aimé. Il comprit, par le nom de Madame, que ce rival était le duc de Guise ; et il ne put douter que la princesse sa sœur ne fût le sacrifice qui avait rendu la princesse de Montpensier favorable aux vœux de son rival. La jalousie, le dépit et la rage, se joignant à la haine qu’il avait déjà pour lui, firent dans son âme tout ce qu’on peut imaginer de plus violent, et il eût donné sur l’heure quelque marque sanglante de son désespoir, si la dissimulation, qui lui était naturelle, ne fût venue à son secours, et ne l’eût obligé, par des raisons puissantes, en l’état qu’étaient les choses, à ne rien entreprendre contre le duc de Guise. Il ne put toute-