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pigni, à sentir, dans le fond de son cœur, quelque chose de ce qui y avait été autrefois. Le duc d’Anjou, de son côté, n’oubliait rien pour lui témoigner son amour en tous les lieux où il la pouvait voir, et il la suivait continuellement chez la reine sa mère. La princesse sa sœur de qui il était aimé, en était traitée avec une rigueur capable de guérir toute autre passion que la sienne. On découvrit, en ce temps-là, que cette princesse, qui fut depuis la reine de Navarre, eut quelque attachement pour le duc de Guise ; et ce qui le fit découvrir davantage fut le refroidissement qui parut du duc d’Anjou pour le duc de Guise. La princesse de Montpensier apprit cette nouvelle, qui ne lui fut pas indifférente, et qui lui fit sentir qu’elle prenait plus d’intérêt au duc de Guise qu’elle ne pensait. M. de Montpensier, son beau-père, épousant alors mademoiselle de Guise, sœur de ce duc, elle était contrainte de le voir souvent dans les lieux où les cérémonies des noces les appelaient l’un et l’autre. La princesse de Montpensier ne pouvant plus souffrir qu’un homme que toute la France croyait amoureux de Madame, osât lui dire qu’il l’était d’elle, et se sentant offensée, et quasi affligée de s’être trompée elle-même, un jour que le duc de Guise la rencontra chez sa sœur, un peu éloignée des autres, et qu’il lui voulut parler de sa passion, elle l’interrompit brusquement, et lui dit d’un ton de voix qui marquait sa colère : Je ne comprends pas qu’il faille, sur le fondement d’une faiblesse dont on a été capable à treize ans, avoir l’audace de faire l’amoureux d’une personne comme moi, et sur-tout quand on l’est d’une autre à la vue de toute la cour.