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Comme il allait sortir, le comte l’arrêta : Pour récompense du service que nous vous allons rendre, aux dépens de la vérité, apprenez-nous du moins quelle est cette aimable maîtresse : il faut que ce ne soit pas une personne fort estimable de vous aimer et conserver avec vous un commerce, vous voyant embarqué avec une personne aussi belle que madame la princesse de Navarre, vous la voyant épouser, et voyant ce que vous lui devez. Il faut que cette personne n’ait ni esprit, ni courage, ni délicatesse : et, en vérité, elle ne mérite pas que vous troubliez un aussi grand bonheur que le vôtre, et que vous vous rendiez si ingrat et si coupable. Le prince ne sut que répondre : il feignit d’avoir hâte. Le comte de Tende le fit sortir lui-même, afin qu’il ne fût pas vu.

La comtesse demeura éperdue du hasard qu’elle avait couru, des réflexions que lui faisaient faire les paroles de son mari, et de la vue des malheurs où sa passion l’exposait ; mais elle n’eut pas la force de s’en dégager. Elle continua son commerce avec le prince ; elle le voyait quelquefois par l’entremise de la Lande, son écuyer. Elle se trouvait et était en effet une des plus malheureuses personnes du monde : la princesse de Navarre lui faisait tous les jours confidence d’une jalousie dont elle était la cause ; cette jalousie la pénétrait de remords ; et, quand la princesse de Navarre était contente de son mari, elle-même était pénétrée de jalousie à son tour.

Il se joignit un nouveau tourment à ceux qu’elle avait déjà : le comte de Tende devint aussi amoureux d’elle que si elle n’eût point été sa femme ; il ne la