Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.

varre, lui dit-elle, madame, bien loin d’avoir l’impatience que lui devait donner la conclusion de notre mariage, se fit attendre hier au soir ; il vint sans joie, l’esprit occupé et embarrassé ; il est sorti de ma chambre à la pointe du jour, sur je ne sais quel prétexte. Mais il venait d’écrire ; je l’ai connu à ses mains. À qui pouvait-il écrire qu’à une maîtresse ? Pourquoi se faire attendre, et de quoi avait-il l’esprit embarrassé ?

L’on vint dans le moment interrompre la conversation, parce que la princesse de Condé arrivait. La princesse de Navarre alla la recevoir, et la comtesse de Tende demeura hors d’elle-même. Elle écrivit dès le soir au prince de Navarre, pour lui donner avis des soupçons de sa femme, et pour l’obliger à se contraindre. Leur passion ne se ralentit pas par les périls et par les obstacles. La comtesse de Tende n’avait point de repos, et le sommeil ne venait plus adoucir ses chagrins. Un matin, après qu’elle eut appelé ses femmes, son écuyer s’approcha d’elle, et lui dit tout bas que le prince de Navarre était dans son cabinet, et qu’il la conjurait qu’il lui pût dire une chose qu’il était absolument nécessaire qu’elle sût. L’on cède aisément à ce qui plaît : la comtesse savait que son mari était sorti ; elle dit qu’elle voulait dormir, et dit à ses femmes de refermer ses portes, et de ne point revenir qu’elle ne les appelât.

Le prince de Navarre entra par ce cabinet, et se jeta à genoux devant son lit. Qu’avez-vous à me dire, lui dit-elle ? Que je vous aime, madame, que je vous adore, que je ne saurais vivre avec madame de Navarre ! Le désir de vous voir s’est saisi de moi ce matin