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de M. de Nemours, et de tout ce qui l’en pouvait faire souvenir, elle rappelait la mémoire de M. de Clèves, qu’elle se faisait un honneur de conserver. Les raisons qu’elle avait de ne point épouser M. de Nemours lui paraissaient fortes du côté de son devoir, et insurmontables du côté de son repos. La fin de l’amour de ce prince, et les maux de la jalousie, qu’elle croyait infaillibles dans un mariage, lui montraient un malheur certain où elle s’allait jeter ; mais elle voyait aussi qu’elle entreprenait une chose impossible, que de résister en présence au plus aimable homme du monde, qu’elle aimait, et dont elle était aimée, et de lui résister sur une chose qui ne choquait ni la vertu ni la bienséance. Elle jugea que l’absence seule et l’éloignement pouvaient lui donner quelque force ; elle trouva qu’elle en avait besoin, non-seulement pour soutenir la résolution de ne se pas engager, mais même pour se défendre de voir M. de Nemours ; et elle résolut de faire un assez long voyage, pour passer tout le temps que la bienséance l’obligeait à vivre dans la retraite. De grandes terres qu’elle avait vers les Pyrénées lui parurent le lieu le plus propre qu’elle pût choisir. Elle partit peu de jours avant que la cour revînt ; et, en partant, elle écrivit à M. le vidame, pour le conjurer que l’on ne songeât point à avoir de ses nouvelles, ni à lui écrire.

M. de Nemours fut affligé de ce voyage, comme un autre l’aurait été de la mort de sa maîtresse. La pensée d’être privé pour long-temps de la vue de madame de Clèves lui était une douleur sensible, et sur-tout dans un temps où il avait senti le plaisir de la voir, et de