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chose était arrivée. Ne vous excusez point, reprit-elle ; il y a long-temps que je vous ai pardonné, sans que vous m’ayez dit de raison ; mais, puisque vous avez appris par moi-même ce que j’avais eu dessein de vous cacher toute ma vie, je vous avoue que vous m’avez inspiré des sentiments qui m’étaient inconnus devant que de vous avoir vu, et dont j’avais même si peu d’idée qu’ils me donnèrent d’abord une surprise qui augmentait encore le trouble qui les suit toujours. Je vous fais cet aveu avec moins de honte, parce que je le fais dans un temps où je le puis faire sans crime, et que vous avez vu que ma conduite n’a pas été réglée par mes sentiments.

Croyez-vous, madame, lui dit M. de Nemours, en se jetant à ses genoux, que je n’expire pas à vos pieds de joie et de transport. Je ne vous apprends, lui répondit-elle en souriant, que ce que vous ne saviez déjà que trop. Ah ! madame, répliqua-t-il, quelle différence de le savoir par un effet du hasard, ou de l’apprendre par vous-même, et de voir que vous voulez bien que je le sache ! Il est vrai, lui dit-elle, que je veux bien que vous le sachiez, et que je trouve de la douceur à vous le dire : je ne sais même si je ne vous le dis point plus pour l’amour de moi que pour l’amour de vous. Car, enfin, cet aveu n’aura point de suite, et je suivrai les règles austères que mon devoir m’impose. Vous n’y songez pas, madame, répondit M. de Nemours ; il n’y a plus de devoir qui vous lie, vous êtes en liberté ; et si j’osais, je vous dirais même qu’il dépend de vous de faire en sorte que votre devoir vous oblige un jour à conserver les sentiments que vous avez pour moi. Mon devoir,