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paroles elle voulut s’en aller ; et M. de Nemours la retenant : Ne craignez rien, madame, répliqua-t-il, personne ne sait que je suis ici, et aucun hasard n’est à craindre. Écoutez-moi, madame, écoutez-moi ; si ce n’est par bonté, que ce soit du moins pour l’amour de vous-même, et pour vous délivrer des extravagances où m’emporterait infailliblement une passion dont je ne suis plus le maître.

Madame de Clèves céda pour la première fois au penchant qu’elle avait pour M. de Nemours, et le regardant avec des yeux pleins de douceur et de charmes : Mais qu’espérez-vous, lui dit-elle, de la complaisance que vous me demandez ? Vous vous repentirez peut-être, de l’avoir obtenue, et je me repentirai infailliblement de vous l’avoir accordée. Vous méritez une destinée plus heureuse que celle que vous avez eue jusques ici, et que celle que vous pouvez trouver à l’avenir, à moins que vous ne la cherchiez ailleurs. Moi, madame, lui dit-il, chercher du bonheur ailleurs ! et y en a-t-il d’autre que d’être aimé de vous ! Quoique je ne vous aie jamais parlé, je ne saurais croire, madame, que vous ignoriez ma passion, et que vous ne la connaissiez pour la plus véritable et la plus violente qui sera jamais. À quelle épreuve a-t-elle été par des choses qui vous sont inconnues ? Et à quelle épreuve l’avez-vous mise par vos rigueurs ?

Puisque vous voulez que je vous parle, et que je m’y résous, répondit madame de Clèves, en s’asseyant, je le ferai avec une sincérité que vous trouverez malaisément dans les personnes de mon sexe. Je ne vous dirai point que je n’aie pas vu l’attachement que vous