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vertu la plus austère ne peut inspirer d’autre conduite que celle que j’ai eue ; et je n’ai jamais fait d’action dont je n’eusse souhaité que vous eussiez été témoin. Eussiez-vous souhaité, répliqua M. de Clèves, en la regardant avec dédain, que je l’eusse été des nuits que vous avez passées avec M. de Nemours ? Ah ! madame, est-ce vous dont je parle, quand je parle d’une femme qui a passé des nuits avec un homme ? Non, monsieur, reprit-elle ; non, ce n’est pas de moi dont vous parlez : je n’ai jamais passé ni de nuits ni de moments avec M. de Nemours : il ne m’a jamais vue en particulier ; je ne l’ai jamais souffert ni écouté, et j’en ferais tous les serments… N’en dites pas davantage, interrompit M. de Clèves ; de faux serments ou un aveu me feraient peut-être une égale peine. Madame de Clèves ne pouvait répondre ; ses larmes et sa douleur lui ôtaient la parole ; enfin, faisant un effort : Regardez-moi, du moins ; écoutez-moi, lui dit-elle ; s’il n’y allait que de mon intérêt, je souffrirais ces reproches ; mais il y va de votre vie : écoutez-moi pour l’amour de vous-même : il est impossible qu’avec tant de vérité, je ne vous persuade mon innocence. Plût à Dieu que vous me la puissiez persuader, s’écria-t-il ; mais que me pouvez-vous dire ? M. de Nemours n’a-t-il pas été à Coulommiers avec sa sœur ? et n’avait-il pas passé les deux nuits précédentes avec vous dans le jardin de la forêt ? Si c’est là mon crime, répliqua-t-elle, il m’est aisé de me justifier : je ne vous demande point de me croire ; mais croyez tous vos domestiques, et sachez si j’allai dans le jardin de la forêt la veille que M. de Nemours vint à Coulommiers, et si je n’en