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grande allée qui borde le parterre. La vue de M. de Nemours ne lui causa pas un médiocre trouble, et ne lui laissa plus douter que ce ne fût lui qu’elle avait vu la nuit précédente. Cette certitude lui donna quelque mouvement de colère, par la hardiesse et l’imprudence qu’elle trouvait dans ce qu’il avait entrepris. Ce prince remarqua une impression de froideur sur son visage qui lui donna une sensible douleur. La conversation fut de choses indifférentes ; et néanmoins il trouva l’art d’y faire paraître tant d’esprit, tant de complaisance, et tant d’admiration pour madame de Clèves, qu’il dissipa malgré elle une partie de la froideur qu’elle avait eue d’abord.

Lorsqu’il se sentit rassuré de sa première crainte, il témoigna une extrême curiosité d’aller voir le pavillon de la forêt : il en parla comme du plus agréable lieu du monde, et en fit même une description si particulière, que madame de Mercœur lui dit qu’il fallait qu’il y eût été plusieurs fois pour en connaître si bien toutes les beautés. Je ne crois pourtant pas, reprit madame de Clèves, que M. de Nemours y ait jamais entré, c’est un lieu qui n’est achevé que depuis peu. Il n’y a pas long-temps aussi que j’y ai été, reprit M. de Nemours en la regardant, et je ne sais si je ne dois point être bien-aise que vous ayez oublié de m’y avoir vu. Madame de Mercœur, qui regardait la beauté des jardins, n’avait point d’attention à ce que disait son frère. Madame de Clèves rougit ; et, baissant les yeux sans regarder M. de Nemours : Je ne me souviens point, lui dit-elle, de vous y avoir vu ; et si vous y avez été, c’est sans que je l’aie su. Il est vrai, madame, répliqua M. de