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ses gens, et pour donner le temps à M. de Nemours de se retirer. Quand elle eut fait quelque réflexion, elle pensa qu’elle s’était trompée, et que c’était un effet de son imagination d’avoir cru voir M. de Nemours. Elle savait qu’il était à Chambort ; elle ne trouvait nulle apparence qu’il eût entrepris une chose si hasardeuse ; elle eut envie plusieurs fois de rentrer dans le cabinet, et d’aller voir dans le jardin s’il y avait quelqu’un. Peut-être souhaitait-elle, autant qu’elle le craignait, d’y trouver M. de Nemours : mais enfin, la raison et la prudence l’emportèrent sur tous ses autres sentiments, et elle trouva qu’il valait mieux demeurer dans le doute où elle était, que de prendre le hasard de s’en éclaircir. Elle fut long-temps à se résoudre à sortir d’un lieu dont elle pensait que ce prince était peut-être si proche, et il était quasi jour quand elle revint au château.

M. de Nemours était demeuré dans le jardin tant qu’il avait vu de la lumière ; il n’avait pu perdre l’espérance de revoir madame de Clèves, quoiqu’il fût persuadé qu’elle l’avait reconnu, et qu’elle n’était sortie que pour l’éviter : mais, voyant qu’on fermait les portes, il jugea bien qu’il n’avait plus rien à espérer. Il vint reprendre son cheval tout proche du lieu où attendait le gentilhomme de M. de Clèves. Ce gentilhomme le suivit jusqu’au même village d’où il était parti le soir. M. de Nemours se résolut d’y passer tout le jour, afin de retourner la nuit à Coulommiers, pour voir si madame de Clèves aurait encore la cruauté de le fuir, ou celle de ne se pas exposer à être vue. Quoiqu’il eût une joie sensible de l’avoir trouvée si remplie de