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de la surprise que je vous ai faite tantôt : j’en suis assez puni par ce que j’ai appris. M. de Nemours était de tous les hommes celui que je craignais le plus. Je vois le péril où vous êtes : ayez du pouvoir sur vous, pour l’amour de vous-même, et, s’il est possible, pour l’amour de moi. Je ne vous le demande point comme un mari, mais comme un homme dont vous faites tout le bonheur, et qui a pour vous une passion plus tendre et plus violente que celui que votre cœur lui préfère. M. de Clèves s’attendrit en prononçant ces dernières paroles, et eut peine à les achever. Sa femme en fut pénétrée, et, fondant en larmes, elle l’embrassa avec une tendresse et une douleur qui le mirent dans un état peu différent du sien. Ils demeurèrent quelque temps sans se rien dire, et se séparèrent sans avoir la force de se parler.

Les préparatifs pour le mariage de Madame étaient achevés. Le duc d’Albe arriva pour l’épouser. Il fut reçu avec toute la magnificence et toutes les cérémonies qui se pouvaient faire dans une pareille occasion. Le roi envoya au-devant de lui le prince de Condé, les cardinaux de Lorraine et de Guise, les ducs de Lorraine, de Ferrare, d’Aumale, de Bouillon, de Guise et de Nemours. Ils avaient plusieurs gentilshommes, et grand nombre de pages vêtus de leurs livrées. Le roi attendit lui-même le duc d’Albe à la première porte du Louvre, avec les deux cents gentilshommes servants, et le connétable à leur tête. Lorsque ce duc fut proche du roi, il voulut lui embrasser les genoux ; mais le roi l’en empêcha, et le fit marcher à son côté jusque chez la reine et chez Madame, à