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aurait eue. Mais ne craignez point ; ce que je viens de vous dire n’est pas véritable, et je l’ai inventé pour m’assurer d’une chose que je ne croyais déjà que trop. Il sortit après ces paroles, ne voulant pas augmenter par sa présence l’extrême embarras où il voyait sa femme.

M. de Nemours entra dans cet instant, et remarqua d’abord l’état où était madame de Clèves. Il s’approcha d’elle, et lui dit tout bas qu’il n’osait, par respect, lui demander ce qui la rendait plus rêveuse que de coutume. La voix de M. de Nemours la fit revenir, et, le regardant sans avoir entendu ce qu’il venait de lui dire, pleine de ses propres pensées et de la crainte que son mari ne le vît auprès d’elle : Au nom de Dieu, lui dit-elle, laissez-moi en repos. Hélas, madame, répondit-il, je ne vous y laisse que trop ! De quoi pouvez-vous vous plaindre ? Je n’ose vous parler ; je n’ose même vous regarder : je ne vous approche qu’en tremblant. Par où me suis-je attiré ce que vous venez de me dire ? et pourquoi me faites-vous paraître que j’ai quelque part au chagrin où je vous vois ? Madame de Clèves fut bien fâchée d’avoir donné lieu à M. de Nemours de s’expliquer plus clairement qu’il n’avait fait en toute sa vie. Elle le quitta, sans lui répondre, et s’en revint chez elle, l’esprit plus agité qu’elle ne l’avait jamais eu. Son mari s’aperçut aisément de l’augmentation de son embarras. Il vit qu’elle craignait qu’il ne lui parlât de ce qui s’était passé. Il la suivit dans un cabinet où elle était entrée : Ne m’évitez point, madame, lui dit-il, je ne vous dirai rien qui puisse vous déplaire. Je vous demande pardon