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obligeantes n’eussent pas tant augmenté l’amour de M. de Nemours que faisait cette conduite austère.

Un soir que monsieur et madame de Clèves étaient chez la reine, quelqu’un dit que le bruit courait que le roi nommerait encore un grand seigneur de la cour, pour aller conduire Madame en Espagne. M. de Clèves avait les yeux sur sa femme, dans le temps que l’on ajouta que ce serait peut-être le chevalier de Guise ou le maréchal de Saint-André. Il remarqua qu’elle n’avait point été émue de ces deux noms, ni de la proposition qu’ils fissent ce voyage avec elle. Cela lui fit croire que pas un des deux n’était celui dont elle craignait la présence ; et, voulant s’éclaircir de ses soupçons, il entra dans le cabinet de la reine où était le roi. Après y avoir demeuré quelque temps, il revint auprès de sa femme, et lui dit tout bas, qu’il venait d’apprendre que ce serait M. de Nemours qui irait avec eux en Espagne.

Le nom de M. de Nemours, et la pensée d’être exposée à le voir tous les jours pendant un long voyage, en présence de son mari, donna un tel trouble à madame de Clèves, qu’elle ne le put cacher ; et, voulant y donner d’autres raisons : C’est un choix bien désagréable pour vous, répondit-elle, que celui de ce prince : il partagera tous les honneurs, et il me semble que vous devriez essayer de faire choisir quelque autre. Ce n’est pas la gloire, madame, reprit M. de Clèves, qui vous fait appréhender que M. de Nemours ne vienne avec moi. Le chagrin que vous en avez vient d’une autre cause. Ce chagrin m’apprend ce que j’aurais appris d’une autre femme, par la joie qu’elle en