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et qu’il y avait de l’injustice de se défier d’un homme qui lui avait confié le secret de sa vie. M. de Nemours était trop amoureux pour avouer son amour : il l’avait toujours caché au vidame, quoique ce fût l’homme de la cour qu’il aimât le mieux. Il lui répondit qu’un de ses amis lui avait conté cette aventure, et lui avait fait promettre de n’en point parler, et qu’il le conjurait aussi de garder ce secret. Le vidame l’assura qu’il n’en parlerait point : néanmoins M. de Nemours se repentit de lui en avoir tant appris.

Cependant M. de Clèves était allé trouver le roi, le cœur pénétré d’une douleur mortelle. Jamais mari n’avait eu une passion si violente pour sa femme, et ne l’avait tant estimée. Ce qu’il venait d’apprendre ne lui ôtait pas l’estime ; mais elle lui en donnait d’une espèce différente de celle qu’il avait eue jusqu’alors. Ce qui l’occupait le plus, était l’envie de deviner celui qui avait su lui plaire. M. de Nemours lui vint d’abord dans l’esprit, comme ce qu’il y avait de plus aimable à la cour, et le chevalier de Guise, et le maréchal de Saint-André, comme deux hommes qui avaient pensé à lui plaire, et qui lui rendaient encore beaucoup de soins : de sorte qu’il s’arrêta à croire qu’il fallait que ce fût l’un des trois. Il arriva au Louvre, et le roi le mena dans son cabinet, pour lui dire qu’il l’avait choisi pour conduire Madame en Espagne ; qu’il avait cru que personne ne s’acquitterait mieux que lui de cette commission, et que personne aussi ne ferait tant d’honneur à la France que madame de Clèves. M. de Clèves reçut l’honneur de ce choix comme il le devait, et le regarda même comme une chose qui éloignerait sa