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droit à madame la dauphine. Il ne manqua pas de raisons pour faire approuver ce qu’il avait fait, et pour en faire espérer un bon succès.

Cependant madame de Clèves s’habilla en diligence pour aller chez la reine. À peine parut-elle dans sa chambre, que cette princesse la fit approcher, et lui dit tout bas : Il y a deux heures que je vous attends, et jamais je n’ai été si embarrassée à déguiser la vérité que je l’ai été ce matin. La reine a entendu parler de la lettre que je vous donnai hier ; elle croit que c’est le vidame de Chartres qui l’a laissé tomber : vous savez qu’elle y prend quelque intérêt. Elle a fait chercher cette lettre ; elle l’a fait demander à Chastelart ; il a dit qu’il me l’avait donnée : on me l’est venu demander, sur le prétexte que c’était une jolie lettre, qui donnait de la curiosité à la reine. Je n’ai osé dire que vous l’aviez ; j’ai cru qu’elle s’imaginerait que je vous l’avais mise entre les mains à cause du vidame votre oncle, et qu’il y aurait une grande intelligence entre lui et moi. Il m’a déja paru qu’elle souffrait avec peine qu’il me vît souvent ; de sorte que j’ai dit que la lettre était dans les habits que j’avais hier, et que ceux qui en avaient la clef étaient sortis. Donnez-moi promptement cette lettre, ajouta-t-elle, afin que je la lui envoie, et que je la lise avant que de l’envoyer, pour voir si je n’en connaîtrai point l’écriture.

Madame de Clèves se trouva encore plus embarrassée qu’elle n’avait pensé. Je ne sais, madame, comment vous ferez, répondit-elle ; car M. de Clèves, à qui je l’avais donnée à lire, l’a rendue à M. de Nemours, qui est venu, dès ce matin, le prier de vous la