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de plus, si l’on a vu tomber cette lettre de votre poche, il me paraît difficile de persuader qu’elle soit tombée de la mienne. Je croyais vous avoir appris, répondit le vidame, que l’on a dit à la reine dauphine que c’était de la vôtre qu’elle était tombée. Comment, reprit brusquement M. de Nemours, qui vit dans ce moment les mauvais offices que cette méprise lui pouvait faire auprès de madame de Clèves, l’on a dit à la reine dauphine que c’est moi qui ai laissé tomber cette lettre ! Oui, reprit le vidame, on le lui a dit : et ce qui a fait cette méprise, c’est qu’il y avait plusieurs gentilshommes des reines dans une des chambres du jeu de paume où étaient nos habits, et que vos gens et les miens les ont été querir. En même temps la lettre est tombée ; ces gentilshommes l’ont ramassée, et l’ont lue tout haut. Les uns ont cru qu’elle était à vous, et les autres à moi. Chastelart, qui l’a prise, et à qui je viens de la faire demander, a dit qu’il l’avait donnée à la reine dauphine, comme une lettre qui était à vous ; et ceux qui en ont parlé à la reine, ont dit, par malheur, qu’elle était à moi ; ainsi vous pouvez faire aisément ce que je souhaite, et m’ôter de l’embarras où je suis.

Monsieur de Nemours avait toujours fort aimé le vidame de Chartres, et ce qu’il était à madame de Clèves le lui rendait encore plus cher. Néanmoins, il ne pouvait se résoudre à prendre le hasard qu’elle entendît parler de cette lettre comme d’une chose où il avait intérêt. Il se mit à rêver profondément, et le vidame se doutant à-peu-près du sujet de sa rêverie : Je crois bien, lui dit-il, que vous craignez de vous brouiller avec votre maîtresse, et même vous me don-